(Oui, je compte tirer à balles réelles.)
Une de mes amies voulait se faire coiffer. C’est normal pour une femme mais ça relève de la recherche du One Piece quand on est une femme noire : trouver la personne qui sait coiffer, qui a la main, qui peut le faire à bon prix, qui est proche de chez toi, qui n’a pas une mauvaise réputation…
Elle finit par dénicher LA coiffeuse : aimable, talentueuse, rapide, mais quand elle apprend que mon amie revient juste de la Guadeloupe, ça ne manque pas :
« Ah non mais je n’aime pas les antillais, c’est des racistes… Quand tu leur dis que tu viens d’Afrique ils te parlent d’Inde »…
Ça ne viendrait à l’idée d’aucune femme noire d’aller à Frank Provost pour entendre des bêtises pareilles de la part d’une femme qui peut vous cramer les cheveux avec son lisseur mais si je continue à écrire vous allez vous demander pourquoi je suis si critique envers le « black business ».
En écrivant ce texte, je fais défiler mon fil d’actualité twitter : une jeune femme répond à la question “considérez-vous les antillais comme des africains ?” (toujours cette même question de m*rde) en écrivant :
“Il n’y a que les Haïtiens que je peux considérer comme étant mes frères. Le reste, on évite !”
Elle n’a pas compris mon smiley lève-les-yeux-au-ciel, elle persiste et signe “Je ne peux pas avec les autres”. Les autres.
En me pensant comme elle, elle m’a envoyé sa flèche en pleine tête “les autres”, elle ne savait sûrement pas qu’elle me dénigrait (now she knows)
Je crois que cette jeune fille et la coiffeuse citée plus haut se disent “pro noires”, elles sont sûrement persuadées de combattre les injustices, les oppressions dont on peut être victime, mais elles oublient de soigner leurs propres remarques et préjugés xénophobes. J’ai donc décidé de les soigner ici en questionnant tous les clichés… En reprenant même la plupart de vos propos.
Si vous êtes antillais, ce n’est plus un bouclier qu’il vous faut mais un permis de conduire pour tank. Petit guide.
Gérez ceux qui connaissent trop bien les Antilles
-« Tu ne fais pas DU TOUT antillais.” C’est totalement débile mais on « bénéficie » (oui parce que le colorisme fait que c’est un bénéfice aux yeux de beaucoup) d’une image de « peuple métissé » si bien qu’on m’a déjà répondu « Tu mens ! » quand j’ai dit que j’étais à moitié guadeloupéenne. Autre réponse « Non mais tu es trop noire » « tes cheveux sont trop crépus » « tes traits ne sont pas assez fins ».
Ce qui est intéressant à remarquer c’est que ce préjugé tout le monde l’a intégré, que ce soit intériorisé ou non. Pour être antillais il faut être claire de peau, traits fins, cheveux bouclés. Personnellement je ne vois que le complexe qui ferait que quelqu’un pourrait s’imaginer qu’on s’invente des origines, mais passons…
Chacun a sa petite remarque, même quand c’est totalement absurde :
« C’est étrange mais vous n’avez pas d’accent. » « Tu es antillais mais tu n’aimes pas le zouk ? » *choqué*
Parce que oui, être antillais c’est comme un pack, gare à toi si tu ne prends pas le premium.
… Et ceux qui ne les connaissent pas du tout
Logiquement, quand on ne parle pas une langue, on se retient de tenter avec des locuteurs. Sauf quand ils sont antillais. Je n’ai jamais compris pourquoi les gens tentaient de parler créole – Sa ka maché ? et autres choses dites en fourchelang me font toujours lever un sourcil genre… Tu disais ? Et si on parlait une langue que tu sais parler ?
Les questions des explorateurs… « Est-ce que vous avez l’électricité ? », « Est-ce qu’il y a des routes ? », Ah tu es Guadeloupéenne ? Je reviens de la Réunion, c’était super cool. Est-ce que tu connais telle famille qui vit en Martinique ? (???! Etes-vous sérieux quand vous posez ce genre de questions… ? Asseyons-nous et parlons longuement, est-ce que vraiment vous pensez que tous les antillais communiquent via la pensée ?)
Et pendant ce temps mes cousins à Sainte-Anne pédalent à vélo pour lire cet article. Ethique et écologique. Personne n’est prêt.
Évitez Madame Météo
C’est toujours un problème : “Comment ça tu transpires ? Tu dois être habituée c’est le temps de chez vous”, alors que le soleil de la France métropolitaine brûle comme s’il voulait nous donner un avant-goût de l’enfer. Tu es gêné de devoir leur expliquer que ce n’est pas la même chose. Quand tu as froid, mêmes remarques : « Ce n’est pas trop dur ? Sur ton île il fait toujours chaud… » Je me demande qui au juste a su s’habituer au temps de l’hexagone, une terre dans lequel l’été ne sait même plus se positionner, où il peut te neiger dessus en plein mois de mai et où Noël se fête sous 24 degrés, mais booon…
Le pire, c’est que ces gens-là font les mêmes remarques chaque année. Ils ont autant d’originalité que les reportages sur les sapins de noël à Noël. Ils ne se fatiguent jamais. Ils ont sûrement un rappel dans leur calendrier afin de pouvoir dire cette phrase. Peut-être même qu’il existe une allocation à ceux qui la prononcent, toujours sur le même ton.
Du coup, laissez-moi juste faire la demande à la CAF… Les temps sont durs.
Faites payer vos conseils et les remarques que vous recevez
Quand je pense que ma mère va lire cet article ça me fait trop mal. (Tu sais que tu peux arrêter la lecture ici, Maman ?) mais oui, si vous êtes antillais.e ouvrez une permanence et faites payer les conseils. C’est très compliqué d’être considéré comme le Ministère Sexuel de France et de disséminer les conseils de manière gratuite.
Etre antillais c’est devoir répondre à cette inconnue sur la couleur, la taille et la profondeur de notre sexe. « Est-ce que c’est vrai ce qu’on dit des filles de la-bas ?« , « Tu dois être chaude, forcément, tu es antillaise. Je n’ai jamais testé une antillaise en plus. » (On teste les glaces, les sushis, pourquoi pas les otacos… Mais les antillaises ?
En tant qu’antillaise tu dois aussi répondre aux questions du bureau des personnes qui ont eu le cœur (juste le cœur ?) brisé : « ils aiment trop les femmes, comment vous faites ?« , « ah bon ton père est encore avec ta mère ?« … « J’ai connu ce gars là, il a les mêmes origines que toi et il en avait une énoooorme » BREF ! il y a des choses dans la vie qu’on ne veut pas entendre. A partir d’aujourd’hui c’est payant pour utiliser nos oreilles pour des bêtises.
En fait, ça en dit long, ce n’est pas juste une histoire de sexe, mais du fait que certains pensent que ce qui est intime pour eux l’est moins (voir pas du tout) pour nous. Du coup, notre culture est réduite au sexe et au zouk – volontairement, même par des combattants de la cause noire
Ce sont toujours des inconnus. Mes sœurs, on arrête la charité, que celui qui souhaite une vraie réponse fasse un dépôt sur votre Paypal. On termine avec le découvert en 2019.
Maîtriser les règles du twister :
C’est ce jeu super étrange auquel j’ai jamais joué dans lequel vous devez mettre vos pieds et vos mains sur des ronds de couleurs et vous vous retrouvez toujours dans des situations bizarres, écartelé, la tête sur le ventre d’un joueur alors qu’un autre menace de vous faire manger le sol. Ça n’a rien de confortable n’est-ce pas…
Apprenez à jouer au twister. En semaine A, vous allez servir de caution militante : Pourquoi vous ne vous dites pas Africain, les Antillais se disent tout sauf Antillais, ils aiment trop le métissage, ah c’est vrai ils sont indiens :
En semaine B on va vous expliquer que vous n’êtes pas africains, que de toute manière vous ne connaissez pas votre culture, vous êtes dilués, quand eux sont la race pure. (Oui, “Pure” !)
Entre deux chaises vous en êtes à devoir préciser que vous dire Antillais c’est un bon compromis pour expliquer : afro-descendant mais avec une culture antillaise, donc mélangée… C’est sans compter sur les malins qui pratiquent et le manque de respect et le « crime contre l’humanité porn ». Cette manière dont les militants de la Cause ont une facilité à tenter de choquer pour avoir raison :
Ce qui est indicible et impardonnable devient d’un coup acceptable quand il s’agit des antillais.
C’est d’autant plus drôle que la plupart des remarques sont écrites dans des cercles panafricains et / ou militants (c’est le cas de toutes ces captures d’écran) ce qui contribue à me convaincre de la vaste blague du panafricanisme. Ils se pensent vrais africains, font semblant de l’être, portent des déguisements (pour moi le dashiki porté actuellement est un déguisement.), mais sur les internets continuent de déverser leurs haines, que ce soit envers notre culture (inexistante) notre langue (même pas une vraie langue) nos mœurs (que du sexe…) même nos cheveux (qui résultent forcément d’un métissage…). Il serait intéressant et qu’on parle de comment certains sous couvert d’être “woke” conscient ou je ne sais quelle bêtise pour paraître plus raffiné que quiconque arrive à tenir des propos qu’il n’accepterait pas pour lui même.
Vont-ils se remettre en question un jour ou trouver leurs propos tout à fait acceptable car ils “dénoncent une réalité”, d’après eux ? Ou vont-ils tenter de s’instruire, notamment en fréquentant plus de ressortissants des Antilles, en allant sur place et en confrontant leurs clichés ?
(Ps : les photos proviennent du film « Le Gang des Antillais », qui est un très bon film.)