Vous le savez, les marques n’hésitent plus à nous engager à notre insu pour assurer leur marketing ! Comment ? En nous indignant dans un premier temps et en s’assurant au moins un mois de communication et tout ça, gratuitement.

En Janvier 2018, la marque de prêt à porter H&M a choqué en faisant porter à un enfant noir un sweat-shirt avec l’inscription suivante : “le singe le plus cool de la jungle”. Cela fait bientôt 1 an que la firme est devenue le-magasin-où-ne-surtout-pas-consommer ; en France a même existé un temps où il fallait “dénoncer” les personnes noires qui continuaient à faire leur shopping chez l’enseigne en les prenant en photo afin de les diffuser sur internet (bien entendu), de quoi continuer à faire de la marque un des sujets principaux du twitter Noir.

Jusqu’ici, nous avions peu de boycotts du même type en France depuis Guerlain en 2010. Depuis un mois,  Catherine Laski, la propriétaire du Black Beauty Magazine, a engagé un combat contre le groupe L’Oréal…

Découvrons ensemble les dessous de cette affaire.

 

Au fait, c’est quoi Black Beauty Magazine ?

Black Beauty Magazine a été créé en Novembre 2011. Sa fondatrice revient alors de Mayotte et se rend compte qu’en France il n’y a “rien” pour les personnes noires . C’est le début de l’aventure pour celle qui était professeur de français dans une vie antérieure. Seulement, désillusion : Si les entreprises jugeaient bon d’annoncer dans les magazines français d’outre-mer, ils ne jugent pas nécessaire de communiquer dans son magazine. Le problème c’est que la presse et en particulier les magazines féminins (dont BBM fait partie) sont en grande partie financés par la publicité : elles garantissent même le nombre de pages écrites qu’il pourra y avoir dans une édition. Conséquence, BBM se retrouve en mauvaise posture.

Cette mauvaise posture peut s’expliquer par plusieurs éléments : le premier d’entre eux est la tendance générale, en effet la presse papier ne se porte pas bien. Les ventes print ont globalement baissé l’année dernière pour la 13e année consécutive et pour la presse féminine ça représente un déclin de 4,8% soit plus que la moyenne de l’ensemble de la presse qui est à – 3,1 %.

Le second, c’est que les annonceurs préfèrent miser leur budget sur le digital. En pratique, c’est par exemple faire appel à des influenceurs plutôt que de lier des partenariats avec des rédactions et des journalistes, les premiers étant jugés plus efficaces pour pousser leurs followers à acheter des produits. Cela représente une chute de 11% des investissements publicitaires (chiffres BUMP 2017 Kantar)  ; une grosse perte pour la presse féminine.

Alors, quand on est un petit média et qu’en plus on ne cible pas la majorité de la population française (qui elle même achète de moins en moins la presse écrite) et que les marques annoncent de moins en moins (alors qu’elles rechignaient déjà à annoncer dans notre magazine) comment procède-t-on ?

 

Que s’est-il passé entre Black Beauty Magazine et L’Oréal ?

Nous sommes en Juillet 2018. Catherine Laski voudrait que son média soit lié à l’Oréal : en effet de nombreuses marques collaborent avec des rédactions ce qui leur permet d’avoir la primeur de certaines informations comme la sortie de certains produits, des invitations à des événements presse… Seulement, L’Oréal aurait refusé au motif qu’il ne s’insère plus dans la presse ethnique. (Je n’aime pas ce mot, je trouve personnellement qu’il a un côté “poubelle”, mais c’est ce qui est dit dans son statut facebook et je reprends les termes exacts.)

Choquée par la réponse, elle décide de contacter les dirigeants de l’Oréal et de Publicis média (qui gère les relations médias et les achats d’espaces publicitaires de L’Oréal) pour leur faire part de son indignation. Selon ses dires, elle les menace dans un premier temps de rendre l’affaire publique mais très vite elle rencontre les dirigeants qui lui achètent un espace publicitaire et lui font espérer une possible collaboration avec la marque. Exactement ce qu’elle désirait.

C’est lorsqu’elle se rend compte qu’il n’y aura aucun partenariat que la goutte d’eau déborde du vase. Quand elle questionne les dirigeants de l’entreprise sur la difficulté pour L’Oréal de communiquer dans les magazines afros en France alors qu’elle le fait aux Etats-Unis, on lui aurait répondu ceci :

si on fait de la publicité pour black beauty, il va falloir qu’on en fasse pour les handicapés, les trisomiques…

 

En novembre soit 5 mois après, l’histoire est rendue publique.

 

La presse, une histoire de famille

C’est le magazine Oops (l’article est plus haut) qui en premier s’empare de l’affaire, un média people qui a un jour fait le buzz en affirmant dans un article daté du 13 Mai 2015 que Rihanna était enceinte de Leonardo DiCaprio. Un « scoop » qui a valu une plainte de l’acteur pour atteinte à la vie privée et droit à l’image et pour lequel le magazine a été condamné à 8000 euros de dommages et intérêts deux mois plus tard. Un article faux dont Frédéric Truskolaski, le patron et propriétaire avait bien conscience en éditant le numéro…

Ce n’est pas quelque chose d’inédit pour lui : plusieurs enquêtes démontrent que cet homme spécialisé dans la presse people a de drôles de manières de procéder. Il tiendrait absolument à ce que ses employés ne soient pas journalistes, pour deux raisons. La première, c’est qu’il les paie très mal. La seconde est que pour la plupart de ses magazines, les tâches demandées n’ont absolument rien de journalistique puisque tous les articles seraient inventés de A à Z.

Ce n’est pas la seule chose qui lui est reprochée : un recours abusif aux stagiaires, des employés qui ne savent pas pour qui ils travaillent, des adresses mails qui changent régulièrement, des clauses très spéciales et un tarif à la pige si bas, que pour toucher un smic il faudrait écrire un magazine et demi. Quand ce n’est pas le fondateur de Causette qui l’accuse de plagiat, ce sont ses anciennes employés qui l’accusent de harcèlement.

Or, il se trouve que Frédéric Truskolaski n’est autre que le frère de Catherine “Laski”, qui a bien été contrainte de donner son vrai nom de famille lorsqu’elle a déposé la marque “black beauty” en Avril 2012. Vous pouvez tester ici et comparer .

Il n’est jamais très loin donc, quand il s’agit aussi de supporter sa sœur sur les réseaux sociaux :

 

Cette complicité, ils l’ont aussi lorsqu’il s’agit d’écrire des faux articles sur des personnalités noires ainsi en Avril 2017, c’est Fatou N’Diaye, la femme derrière le blog Black Beauty Bag depuis 2007 (vous remarquerez la similitude entre le nom du blog et le nom du magazine…) qui en fait les frais. C’est cette fois-ci des sites comme celui de Morandini qui relaient l’information  : la blogueuse aurait agressé la rédactrice en chef qui a déposé une plainte arrivée à Paris… Cette plainte, que les journalistes affirment avoir eue en main, n’existerait pas. Plus encore, selon plusieurs témoins aucun coup n’a été porté, et la dispute avait comme point de départ le statut d’influenceur de Fatou N’Diaye qui fait qu’elle soit logée et considérée de la même manière que les journalistes mais aussi qu’elle ait des annonceurs. Car l’influenceuse est depuis plusieurs années l’un des visages de la marque L’Oréal…

 

Qu’est-ce que Catherine Laski attend du boycott ?

Depuis le 9 Novembre, Catherine Laski a décidé de lancer un boycott contre L’Oréal. L’article est aussi disponible sur le site internet de black beauty magazine. Il y est sobrement appelé « boycott de L’Oréal pour les fêtes« . Le but ? Très abstrait, démontrer à l’Oréal qu’on est une communauté “qui existe », qu’on doit respecter en tapant directement au porte-monnaie…

L’initiative prise par la dirigeante du magazine plait tellement qu’on en oublie qu’elle ne fait pas partie de la communauté noire même si ses nombreux “nous” peuvent pousser à croire le contraire. D’ailleurs, dans les faits, à aucun moment le mot “noir” n’a été prononcé.

Contrairement à ce qui a été affirmé, L’Oréal a annoncé (fait de la publicité) dans la plupart des médias afros. Alors, pourquoi pas Black Beauty ? Peut-être question d’un point de vue financier : est-ce rentable ? A rappeler qu’une marque paie un espace publicitaire, et que donc avant d’investir il doit y avoir une preuve de résultat. Est-ce que les audiences de Black Beauty sont satisfaisantes pour que l’Oréal juge nécessaire d’y investir ?

Selon Catherine Laski, l’article de Oops a fait réagir :

 

De leur côté, les deux entreprises ont demandé un droit de réponse qui a été publié la semaine dernière dans le magazine Oops :

“L’Oréal et Publicis contestent fermement les accusations formulées dans l’article “L’Oréal et Publicis, les sociétés racistes” de l’édition n° 292 du magazine Oops! publiée du 9 au 22 novembre 2018. Ces groupes luttent en permanence pour le respect des valeurs humaines et les principes d’égalité et de fraternité. Ils mènent sans relâche de multiples actions et prennent de nombreuses initiatives pour favoriser l’inclusion et la diversité, ainsi qu’en attestent chaque jour des publications et reportages indépendants dans le monde entier.
L’Oréal et Publicis se réservent le droit d’une action en justice.”

Contactées, les deux entreprises affirment qu’elles n’ont aucun commentaire de plus à faire sur cette histoire… Alors, qu’en pensez vous, qui dit la vérité ? Lorsqu’on pose plus de questions sur le sujet à Catherine Laski, on s’expose aux attaques personnelles…

 

Ou pire… Oops !

 

Nous pouvons nous demander à qui profite ce combat ? Est-ce que les faits rapportés sont avérés ?  Qu’est ce que la créatrice de BBM attend de la part du groupe cosmétique ? Est-ce qu’elle espère bénéficier des retombées de l’affaire tant au niveau de sa réputation personnelle que financièrement en forçant quelque part la marque à collaborer avec son média à l’occasion des placements publicitaires pour les fêtes de fin d’année ? Aurions-nous eu vent de cette histoire si le groupe cosmétique avait accepté de communiquer chez BBM ? Quelle est cette notion de « discrimination positive » dont elle voudrait que l’entreprise fasse preuve mentionné dans l’article ?

Avez-vous l’intention de boycotter ? Moi, non. Je pense que nous avons une méfiance naturelle envers les grandes marques et les grandes entreprises : elles ne nous appartiennent pas, ne nous ciblent pas, nous nous attendons donc à ce qu’elles soient racistes. L’Oréal a déjà été condamnée dans le passé (en 2007) pour discrimination  pour avoir écarté les candidatures des femmes Africaines, Arabes et Asiatique pour les opérations de promotions de son nouveau produit capillaire.

Peut-être que c’est pour cela que dès que nous avons vent d’une histoire de discrimination ou de propos insultants, nous ne prenons pas la peine de vérifier les faits… Pourtant dans certains cas cela nous permettrait de ne pas être manipulés par des personnes, qui non contentes de faire leur bénéfice sur la communauté noire, tentent aussi de se tailler une réputation de militantes tout en nous utilisant pour leurs intérêts personnels.

Néanmoins si l’idée vous venait de le faire, l’Oréal étant un groupe, dites alors au revoir à Lancôme, à la Roche-Posay, Mizani mais aussi (*exclamation d’effroi dans la salle*) Carol’s daughter, Nyx Cosmetics et beaucoup d’autres que je n’ai pas la force mentale de citer…

Les noirs souffrent dans le wokisme hein ?! Boycott de H&M par ci, Boycott de L’Oréal par là, concurrents viables nulle part…

Pour avoir plus d’informations : Ici, , Par là.

Avatar photo
About Author
Majoïsme
View All Articles
Check latest article from this author !
Les sciences du consentement – partie 5
Les sciences du consentement – partie 4
Les sciences du consentement – partie 3

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

dix-neuf − 11 =

Related Posts