Les parents de A. n’étaient pas riches.

Ils tenaient simplement à l’éducation de leur fils. Dès ses 11 ans, il fut inscrit à l’école militaire.

Bachelier avec les honneurs, deux ans de DUT : des succès. Puis un autre, plus grand encore. Une sélection pour une bourse et une formation d’officier commando parachutiste en Allemagne. Encore une fois, réussite aux tests. L’Allemagne, synonyme de réussite se rapprochait.

Deux jours avant le rendez-vous final à l’ambassade, un gradé a informé A. que son projet était annulé. Pas la peine de se présenter à l’Ambassade, sauf pour récupérer le passeport et abandonner l’idée de partir. Il tenterait sa chance l’année prochaine. Seulement, lorsqu’il est allé récupérer son passeport, surprise : sur une des pages le visa figurait bel et bien. Aucune remarque par rapport à un changement de plan lui fut communiqué, juste une information utile : ils voyageaient le lendemain.

C’est exactement le concept de l’échelle sociale : tu peux naître pauvre, mais l’éducation est supposée te faire changer de catégorie. C’est sûrement ce qu’on a dû vendre à A. « Fais des études, persévère, tu vas t’élever », et ça allait payer d’ailleurs, puisqu’il avait son passeport, son visa et un départ programmé pour le lendemain. Logiquement, la situation devrait changer, et il ferait partie des gens importants, aurait du prestige et du réseau.

Mais il y a des endroits où cette échelle n’existe pas, où tu gravis les 4 premières marches et que tu te retrouves à devoir demander à une personne de te donner les échelons manquants. Encore faut-il connaitre un menuisier ou un type qualifié dans les ascensions. C’est exactement ce qui est arrivé à A. ce soir-là, lorsqu’un gradé lui a expressément recommandé de ne surtout pas prendre ce vol car dans tous les cas il n’allait pas étudier en Allemagne, pire encore, on allait le refouler.

Sous d’autres cieux, A. se serait rebellé, aurait cherché à comprendre, aurait saisi le recteur de l’université et il aurait eu gain de cause. Mais c’était un gradé et A. n’en avait pas. Aucune autorité, aucune quelconque appartenance qui aurait pu changer son destin. C’était injuste mais « Dieu sait mieux ».

Lorsque l’avion a décollé, A. était chez lui. Et lorsque pendant des semaines ses amis lui ont rapporté qu’en Allemagne son nom figurait dans la liste et que chaque matin on espérait qu’il réponde présent, il était chez lui. D’ailleurs il n’est plus jamais reparti à l’école après ça. Démotivé, mais ce visa toujours dans son passeport… Il partirait.

Quelque part en Europe, A. est en train de se refaire.

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