Dans la famille de K., beaucoup auraient voulu aller en Europe. Pas elle : A 14 ans, lorsqu’elle est arrivée en Belgique pour la première fois, c’était un peu comme se faire incarcérer, puisqu’elle n’a pas pu revenir sur ses pas pendant 10 ans.

K. n’a jamais voulu rester. Comme beaucoup, elle faisait partie de ces gens qui veulent tout prendre en Europe. La plupart du temps ils disent des phrases comme « je prends ce que j’ai à prendre et je reviens », et ils se demandent « pourquoi les Africains partent en Europe au péril de leur vie, y a rien pour nous ici ». Elle attendait que la richesse arrive avant de se rendre compte qu’elle n’allait jamais arriver. Pire, à trop l’attendre ses enfants grandiraient en Belgique ; ils se diraient Belges, renieraient le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Elle ne se le pardonnerait jamais.

Qu’elle soit seule à élever ses deux enfants n’a jamais été une excuse. Dès leur venue au monde, elle s’est donné les moyens au prix de sacrifices quotidiens afin que ses enfants puissent découvrir leurs terres régulièrement. Jamais ses enfants ne subiraient l’Afrique, jamais ils n’auraient peur d’être bloqués : au contraire, ils en seraient fiers. Les enfants de K. ont donc entendu une phrase inédite : « Continue comme ça et tu n’iras pas au Cameroun ! »

C’est ainsi que l’année dernière, la décision fut prise : ses enfants y déménageraient de manière définitive chez sa sœur : pas dans la capitale mais dans la campagne, où ils seraient bien accompagnés. Si sa sœur l’a comprise, certains membres de sa famille ont d’abord tenté de l’en dissuader… Afin de refuser de lui adresser la parole pour ce choix radical. Ce n’est en fait radical que pour nous les adultes. Il n’y a que nous pour nous poser des questions sur la santé, est-ce que mes enfants ne seront pas trop dépaysés, est-ce qu’ils vont s’y faire, et les moustiques, le paludisme, l’école… On pense se poser des questions pour eux mais ce sont en réalités nos peurs qu’on projette sur eux. Les enfants s’adaptent bien plus facilement que nous, se font des amis bien plus facilement que nous. Devrions-nous avoir honte d’avoir peur ?

Sur une photo avec ses cousins, son fils arbore un énorme sourire, lui qui s’appliquait habituellement à regarder ailleurs. Ils sont chez eux, et K. revient bientôt.
A suivre !

 

Photo : @dorel popescu

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