Il y a deux ans j’étais en Thaïlande et devant les demandes incessantes de photos et les remarques étranges, j’avais créé “#êtrenoireenthailande” sur snap. Je filmais systématiquement les assauts (parce que ça en était) des gens qui ne partaient même pas du principe qu’on avait une volonté jusqu’au jour où on nous a quasiment agressé au Palais Royal. Cela m’a appris deux choses.

1, ma coiffeuse faisait très bien les tresses, tout Bangkok m’a jalousé,

2. Je n’irais jamais en Chine

et 3, si j’avais fait payer les photos j’aurais pu m’offrir plus de massages. Oui j’avais dit deux, et alors ?

De façon assez bizarre je me demande si une personne s’est dit qu’elle allait faire un hashtag relatant la vie des noirs en France – je veux dire des femmes noires – car des hashtags il y en a eu « Tout est noir sauf nos meufs », on a parlé Niafou, Fatou puis « noirte », trouvé normal chacun de ses mots (oui parce quand j’étais petite dire « niafou » était normal, et comme nous étions noires, prier pour qu’on parle de l’autre noire là l’était aussi – mais comme il suffisait juste d’être noire en fait c’était peine perdue). On a fini par grandir et dénoncer chaque personne avec des chansons aux paroles approximatives, Salomé je t’aime se fait régulièrement ramasser à cause de son « même dans le noir j’suis plus kleuur qu’elle », pourtant elle a changé, muri, aborde des sujets plus sérieux. Ça fait des années que Mokobé enchaine les bons coups de communication,  les galas de charité et pourtant, sa double erreur « Beyoncé Coulibaly » et « Rihannon » lui sont constamment rappelée.

D’un côté quand tu contribues d’une main à détruire la confiance en soi de la jeunesse noire française, est-ce que ce sont des dons dans n’importe quelle école africaine qui peuvent rectifier le tir ?

Je me suis levée et la première chose que j’ai faite c’est de tomber sur le « sketch » de Benito, je ne sais même plus pourquoi les humoristes noirs considèrent que parler de leurs complexes sur une scène soit de l’humour, (après en France les étrangers schizophrènes c’est apprécié) pourquoi ne pas plutôt aller voir un psychologue et cesser d’emmerder le peuple ? Il commence par « c’est trop mignon d’être une blanche !…» puis compare avec une fille de son quartier « Coumba » forcément elle est masculine, peu serviable et puis on n’oublie pas cette petite pique à la perruque et au make up… et en fait je suis simplement soulée.

Je dis souvent que la négritude pour une femme noire commence dès la maternelle, puisque notre rapport à nous-mêmes est construit par la peau, nos cheveux qui sont crépus et qu’on ne rase surtout pas (pour que ça ne repousse jamais ? bon.)  la violence des attaques qu’on se prend en pleine face est inouïe. J’ai grandi, il est loin le temps ou porter des simples tresses me valait le doux nom de Tarzan, aujourd’hui les formes géométriques des nattes de ma mère s’appellent « Fulani braids », il y a eu d’ailleurs un grand twist entre le moment où c’était très moche et enfantin d’avoir ses propres cheveux et celui où on flagelle les femmes sur la place publique parce qu’elles portent des perruques. M’enfin je pensais avoir grandi, je n’avais pas eu trop de chance, parce que nous on avait connu Mokobé et c’était déjà très violent :

« J’t’explique coupe garçonne le matin perruque le soir
La go en mode frime matin midi et soir
Nous on vit sur Terre elle sur une autre planète
Nous on est tout simple elle vit pour se la pète (grave)
Elle parle des heures avec son miroir
Elle joue la star les lunettes noires
24 sur 24 c’est la meuf posée
Avant de retrouver son lit superposé (come on!)
En vérité on aimerait l’é-l’é-l’étrangler
Onze du mat’ elle squatte déjà au KFC
Un seau épicé
Dans la rue elle mange en marchant jette les os devant les passants…
»

On va passer le fait que Beyoncé = canon de beauté et que Coulibaly est ici utilisé pour se moquer, sachant que Coulibaly est un nom de famille que des gens portent, de mesurer l’insulte faite ici… Pas besoin de lien, c’est déjà trop.

Il aurait été marrant de signaler toutes les punchlines insultantes à notre endroit mais (cet article est brouillon) je manque de temps et donc on va aller au plus intéressant. On a entendu Niska « j’aime les maliennes, mon côté niafouman »
(C’est dans Carjack Chirac, ouii cette chanson où il fait rimer « qamis » avec « pénis »)

Pour peu que vous ayez eu des petits frères vous n’avez pas pu rater cette phrase de Sili Boy

« J’attire que les cochonnes j’ai la côte de porc, t’attire que des niafous j’ai la Côte d’Ivoire ! »

Bon quand Keen’v nous a aussi roulé dessus, jusqu’à interpréter son écœurant chant (il faisait de base référence à l’affaire DSK, « le type qui aurait pu être président » s’il n’avait pas violé Nafissatou Diallo) avec un humoriste en blackface, je me suis dit qu’on avait touché le fond, le CSA avait été saisi, il y avait eu des excuses, tout portait à croire que se moquer des femmes noires c’était tellement 2007, mêmes les auteurs des hashtags précités étaient dans la repentance et régulièrement on exhumait les chants mysoginoir de nos rappeurs préférés (hey Gims !) c’était beau à voir.

Mais jamais de paix quand on est une femme noire et ça a finalement toujours été une mode. En avril dernier c’était Disiz la Peste qui parlait de « Marseillaise version Niafou », il a dû s’y reprendre à deux fois pour correctement s’excuser mais au moins il l’a fait (ça fait beaucoup d’excuses, non ?) et quelques temps avant lui c’était un autre artiste, Says’z, qui est Comorien mais qui disait pourtant dans sa chanson Wota « Arrête-moi toutes ses manières, t’es pas kainry t’es malienne » d’après lui c’était une manière de pousser les gens à être fiers de ce qu’ils sont, (lui qui n’est absolument pas malien, faut-il le rappeller ?) mais il a trèèès viiiite retiré le malienne qui n’avait rien à faire ici de base de sa chanson.

Bon, c’était tellement passé de mode, que du coup le sketch du petit Benito m’a fatigué d’un coup. Lui aussi, comorien mais on ne sait pas pourquoi en 2019 on tourne toujours dans le Niafou Fatou Fanta Coumba, sûrement parce que dans la communauté noire française il existe un mépris affiché envers les ouest-africains, en plus d’un certain dégoût de certains hommes noirs, toujours est-il que ce n’est pas de l’humour on s’en passerait bien (vous avez vu que je n’ai pas parlé d’Issa Doumbia ? Qui se rappelle de ce type ?). De plus, il parait que “l’humoriste” a choisi un terme qui désigne les

Tout cela pour dire « qu’est-ce c’est trop dur la vie de femme noire »… Tous les matins se prendre un javelot, je suis fatiguée.

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